La Citroën-Kégresse K1« Croissant d’Argent » de Louis Audouin-Dubreuil
Depuis sa création, l’automobile est à bien des égards considéré comme l’incarnation de l’aventure et de la liberté. Le « Croissant d’Argent » présenté par Léa Goubert, médiatrice du musée des Cordeliers de Saint-Jean d’Angély, en est peut-être la plus belle preuve. Premier véhicule motorisé à traverser le Sahara, il aura accompagné sans jamais faillir son pilote, l’aventurier Louis Audouin-Dubreuil. Preuve du lien qui unit l’homme et la machine, ce dernier décidera de la conserver à titre personnelle. Plus de cent ans après sa conception, le « Croissant d’Argent » est revenu sur le devant de la scène afin de conter ses aventures aux visiteurs de Rétromobile 2025.
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Le « Croissant d’Argent », un monument de l’histoire automobile

L’histoire de la Citroën-Kégresse K1 « Croissant d’Argent » tient à une rencontre : celle d’Adolphe Kégresse et d’André Citroën.
Jeune ingénieur de génie ayant fait sensation à la cour du Tsar de Russie, Adolphe Kégresse rejoint la France à l’orée de la révolution soviétique. Son seul bagage : un brevet de chenilles souples permettant de transformer n’importe quelle automobile en un véhicule tout-terrain. Son invention fait du bruit et arrive aux oreilles d’un jeune industriel ambitieux : André Citroën. Intrigué, l’homme l’est assurément. Mais il y voit également une opportunité : celle de prouver que l’automobile de demain est faite pour rouler sur tous les terrains. Fort de son intuition, il commande à Jacques Hinstin, ingénieur du bureau d’études Citroën, et Kégresse de travailler ensemble afin d’adapter ce système sur les châssis des véhicules de la marque au chevron. Si les premiers prototypes se basent sur des Citroën Type B2, les deux ingénieurs développent très vite un nouveau modèle : le K1.
Citroën-Kégresse K1 : l’’innovation mécanique au service du génie marketing
De prime abord, le véhicule peut sembler ne se distinguer que par son système de chenilles. La réalité est pourtant bien différente et les Citroën-Kégresse K1 se révèlent être des condensés d’innovations et d’ingénieries : hybridation chenilles-roues permettant d’allier traction et précision de la direction, transmission à 6 vitesses, différentiel à blocage afin d’éviter l’enlisement… Après des premiers essais concluant dans les Vosges, André Citroën est résolu à frapper un grand coup médiatique. Aidé de Kégresse et Hinstin, et avec l’appui des explorateurs Georges-Marie Haardt et Louis Audouin-Dubreuil, il décide d’organiser la toute première traversée du Sahara par un convoi d’automobiles.


Citroën & Kégresse à l’assaut du Sahara
Le 17 décembre 1922, 5 Citroën-Kégresse K1 – surnommées « Scarabée d’or », « Croissant d’argent », « Tortue volante », « Bœuf Apis » et « Chenille Rampante » - quittent la ville algérienne de Touggourt pour s’élancer à l’assaut du désert du Sahara.
Les paysages défilent mais ne se ressemblent jamais : aux massifs escarpés du Hoggar se succèdent les plaines arides du Tanezrouft et la savane malienne. Mais comme dans toutes aventures, il en va de même pour les ennuis : quand les problèmes mécaniques (surchauffes moteurs fréquentes, patins de chenille arrachés par un rocher, renversement…) sont résolus, ce sont les tempêtes de sable et les feux de prairies qui prennent le relai. Durant ce périple, le « Croissant d’Argent » de Louis Audouin-Dubreuil joue un rôle majeur. Outre sa fonction de coordinateur des arrêts et de la navigation, le véhicule a également la lourde tâche de repérer les lieux, de tracter carburant et pièces détachées, et se transforme parfois même en un poste de dépannage.
Le 7 janvier 1923, après 21 jours de traversée et avec seulement un jour de retard sur le programme, les 5 véhicules rallient leur destination : Tombouctou.
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Une expédition vaut bien une messe
À la suite de cet exploit, il faudra attendre 8 mois pour que les explorateurs regagnent Paris. Si ce délai s’explique en partie par des raisons logistiques et diplomatiques, il tient aussi du fait d’André Citroën lui-même. Durant ces 8 mois, le fondateur de la marque éponyme orchestre l’une des toutes premières campagnes marketing de l’histoire de l’industrie automobile.
A leur arrivée à la gare de Lyon, les explorateurs accompagnés de Citroën et Kégresse reçoivent un accueil triomphal de la part de la foule et des journalistes présents. Reportage dans la presse nationale, documentaire, exposition au musée du Louvre… nul ne peut ignorer ou nier l’exploit réalisé par André Citroën. Un coup marketing qui bénéficie forcément à l’image de la marque : elle acquiert dès lors une renommée industrielle mondiale et met en exergue l’esprit d’innovation et la fiabilité des véhicules Citroën. Mais André Citroën ne compte pas s’arrêter là. Fort de ce succès, il voit plus grand encore. Avec le soutien de l’Etat Français, il projette une expédition transafricaine reliant l’Algérie à Madagascar. Le projet de la « Croisière Noire » venait de voir le jour.


Le « Croissant d’Argent », de pionnier du désert à symbole intemporel de l’histoire automobile
Cette nouvelle aventure, le « Croissant d’Argent » n’en verra pas la lumière. Remplacé par un modèle P4T plus moderne, le « Croissant d’Argent » est conservé à titre personnel par Louis Audouin-Dubreuil. En 1940, le véhicule est transmis à la commune de Saint-Jean d’Angely, ville natale de l’explorateur, et rejoint par la suite la collection du Musée des Cordeliers. En 2025, ce symbole de l’aventure automobile sort de son sommeil afin de rejoindre le temps d’une exposition dédiée à Adolphe Kégresse son comparse le « Scarabée d’Or », lors de Rétromobile 2025. Pour l’occasion, elle reçoit le “Trophée Rétromobile de la Préservation” dans la catégorie “Avant-guerre”.
Des images qui racontent son histoire...
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